«Vous n’avez pas apporté votre fouet ?» Voilà comment certains médecins accueillent les visiteuses médicales de Lilly depuis que Libération a révélé, mercredi, la fausse pub Orangina diffusée en interne début janvier, montrant une panthère en maillot de bain fouettant un praticien nu pour le forcer à prescrire le médicament Zypadhera. «C’est un tsunami. On paie la facture plein pot alors qu’on y est pour rien», se désole un visiteur. D’autres confient leur «honte» et leur «dégoût» face à l’image de la femme et de leur métier véhiculée par le labo. Leurs difficultés à visiter les médecins outragés, dont certains leur claquent la porte au nez. Et enfin les «messages d’insultes», comme l’a reconnu vendredi le PDG de Lilly France, Dominique Amory, dans un mail aux salariés, où il se dit «de tout cœur» avec eux. Pas sûr que ces mots touchants suffisent à calmer le malaise.
Dans un courrier adressé vendredi au patron américain de Lilly, la secrétaire générale du syndicat CGT de la pharmacie annonce qu’elle étudie un recours en justice pour défendre la profession. Et dénonce le délai de réaction de la direction, qui apparaît «sinon complice, du moins complaisante». La défense de Lilly, qui évoque un «dérapage» isolé, peine à convaincre. Comme l’a confirmé le laboratoire à Libération, les vidéos (1) avaient été visionnées dès le 16 décembre lors d’une réunion au siège de Suresnes (Hauts-de-Seine), dont l’objectif était de préparer les séminaires régionaux au cours desquels la fausse pub a été projetée aux visiteurs. Selon nos informations, elle rassemblait une dizaine de cadres de la division «système nerveux central» (en charge du Zypadhera), dont le directeur des ventes, son responsable marketing et l’ensemble des directeurs régionaux. Lesquels ont donc validé la vidéo. L’un d’eux a pu en goûter l’humour une deuxième fois, puisqu’il a participé au séminaire régional organisé les 4 et 5 janvier au château de Barive, dans l’Aisne. Vu l’émoi des visiteurs, les représentants du personnel alertent la direction le 11 janvier. Aucun des cadres ne l’avait fait, alors que le code de conduite de Lilly «encourage» à signaler les dysfonctionnements. Le labo assure avoir pris des «sanctions», mais se refuse à dire lesquelles et contre qui. Elles semblent avoir épargné les dirigeants réunis le 16 décembre, dont aucun n’a quitté la société. Le directeur des ressources humaines de Lilly France, Jean-Philippe Labrusse, le reconnaît à demi-mot : «Vous ne pouvez pas punir un collaborateur qui n’a pas respecté un encouragement [à signaler]. On peut leur faire un commentaire direct, mais ça ne justifie pas des sanctions disciplinaires.»
«Cette absence de sanctions est d’autant plus étonnante que des salariés ont par le passé été licenciés pour pas grand-chose», s’indigne-t-on en interne. Le mail envoyé vendredi par le patron de Lilly France donne un aperçu des priorités du labo. Dominique Amory y condamne la vidéo, mais pas ceux qui l’ont réalisée et validée. Il annonce en revanche le lancement d’une enquête interne pour identifier la personne qui a commis «l’acte irréparable» de la faire fuiter. «Je voudrais le renvoyer à sa propre conscience, pour avoir terni l’image de l’entreprise et surtout celle de ses collègues», insiste-t-il. Comme si la chasse au corbeau était plus importante que les entorses à l’éthique. (Ver)
(1) Il y en avait en fait quatre, dont deux où des célébrités (Nicolas Sarkozy, Liliane Bettencourt, Jean-Michel Aulas, etc.) vantaient les mérites des médicaments Lilly.
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